Que deviennent les nanoparticules d'or dans l'environnement ?

Du fait de leur très petite taille, les nanoparticules ont une réactivité toute particulière qui dépend de la nanoparticule en elle-même mais également de l’environnement.

Pour mesurer et ainsi pouvoir prédire le devenir des nanoparticules dans les environnements aquatiques, le consortium CEINT (Center for Environmental Implication of NanoTechnology), basé à l’université de Duke, aux Etats-Unis, a permis de construire une plateforme de 30 mésocosmes aquatiques. Ces mésocosmes sont des dispositifs expérimentaux clos, de taille moyenne ; considérés comme des modèles réduits de l’écosystème il sont destinés aux études écologiques.

Ces mésocosmes mesures environ 3m3 et sont complexes tant sur le point biologique que physico-chimique. Ils comprennent :

  • une zone terrestre, non immergée, qui contient du sol et des plantes terrestres,
  • une zone de transition (avec un sol en pente) qui peut être immergée ou sèche en fonction du niveau d’eau, et qui contient des plantes tolérantes à l’eau (comme des jongs),
  • une zone aquatique, composée de 250L d’eau, avec un fond de sédiment, et plusieurs types d’organismes (poissons, insectes, plantes aquatiques…).

Gauche : Centre de mésocosmes au CEINT / Droite : Dosage hebdomadaire des NPs d'or

L’objectif principal de l’étude était d'évaluer le comportement d'une nanoparticule qui se dissout par rapport à une nanoparticule stable et inerte, les nanoparticules d’or (NPs d’or). Celles-ci ont effectivement été utilisées comme références dans beaucoup d’études pour leur stabilité. Nous avons donc ajouté des NPs d’or dans les zones aquatiques des mésocosmes à raison de 75 mg d’or (correspondant à une concentration théorique dans la colonne d’eau de 70 µg/l) par semaine, durant 6 mois.

Pour mesurer le devenir des NPs d’or, nous avons prélevé des échantillons de sédiments, de sol, de plantes et d'organismes tous les trois mois. Nous avons également surveillé les conditions environnementales (lumière, température, pH, oxygène, dioxyde de carbone) régulièrement afin de caractériser pleinement le système. Pour les compartiments accumulant le plus d'or, les plantes dans ce cas, nous avons mesuré la spéciation de l'or grâce à un synchrotron, à Stanford. La spéciation chimique d'un élément est la distinction entre les différentes formes de liaisons possibles de cet élément dans un environnement donné. Les différentes formes chimiques sont en évolution continuelle au sein des écosystèmes avec des cinétiques de transformation très différentes.

Après 6 mois, la concentration en or dans les plantes aquatiques étaient très élevées, représentant 70% de l’or ajouté dans le système. Cependant l’or n’était plus sous sa forme initiale, à savoir métallique mais sous la forme oxydée. Fait surprenant ! En effet, l’or est connu pour être stable par rapport à la dissolution oxydative dans les eaux toxiques, raison pour laquelle il est fréquemment utilisé comme traceur.

Pour identifier le mécanisme responsable de cette oxydation, nous avons cherché les compartiments biologiquement actifs qui pourrait transformer l’or. Nous avons donc extrait le biofilm qui vit sur les plantes aquatiques. Ce biofilm est composé de microorganismes qui s’attachent aux surfaces grâce à une matrice visqueuse. Nous avons caractérisé les microorganismes procaryotes présents en séquençant leurs ADN 16S. Nous avons ensuite mesuré la capacité de ces microorganismes à dissoudre l’or, à quelle vitesse cela peut arriver et nous avons corrélé cela à leur capacité à libérer du cyanure (connues pour dissoudre l’or).

Ces biodissolutions peuvent mener à des modifications de l’accumulation et du transport des nanoparticules dans l’environnement, et mener à des toxicités modulées, et/ou à des entrées dans le réseau alimentaire différente.

Avant cette étude, personne n’avait démontré que les NPs d’or pourraient se dissoudre dans des environnements aquatiques. L’inverse était plutôt le consensus scientifique. Ces résultats suggèrent qu’il n’est pas raisonnable de considérer les nanoparticules d’or stables a priori comme cela a été fait dans plusieurs études récentes. Il a été fait la démonstration ici que des nanoparticules stables en conditions de laboratoires peuvent avoir un comportement différent en environnement complexe. Enfin, le cyanure est un agent complexant très fort, et des biotransformations similaires sont probables avec d’autres nanoparticules métalliques également. Cette étude souligne également le rôle des biofilms dans le cycle biogéochimique des nanoparticules en environnements aquatiques, et des métaux en général.

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L'article a été publié dans Nature nanotechnology, pour en savoir plus :

Gold nanoparticle biodissolution by a freshwater macrophyte and its associated microbiome

Astrid Avellan, Marie Simonin, Eric McGivney, Nathan Bossa, Eleanor Spielman-Sun, Jennifer D. Rocca, Emily S. Bernhardt, Nicholas K. Geitner, Jason M. Unrine, Mark R. Wiesner & Gregory V. Lowry

Astrid Avellan, qui est l'auteur principale et qui a rédigé ce résumé a effectué sa thèse au sein du CEREGE avec des membres du Labex Serenade : Armand Masion et Clément Levard.

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